“J’ai commencé à écrire certains films parce que j’avais une idée à partir d’une chanson.” Xavier Dolan ne cherche pas à plaquer une chanson sur une scène, il ne pense pas la musique après l’écriture, il imagine les scènes comme un ensemble. Chez lui, la musique fait partie du propos du film, elle a un rôle narratif. Il explique par exemple que Mommy est né d’une chanson, Experience de Ludovico Einaudi, qui a déclenché l’envie de raconter quelque chose, lui a fait imaginer une scène autour de laquelle tout le film s’est construit.
Avec son dernier long-métrage, Juste la fin du monde, Xavier Dolan peut déjà sabrer le champagne, et pas qu’une bouteille. Le film bat des records au box-office et si les journalistes pouvaient lui attribuer un prix, ils le feraient. Pour ceux qui ne se sont pas encore précipités au cinéma, on vous laisse le découvrir en salles, mais on peut déjà (en spoilant gentiment) vous parler des musiques qui parcourent Juste la fin du monde, et à cette occasion revenir sur certains des meilleurs moments musicaux de la filmographie du réalisateur québécois.
Les Amours Imaginaires
Une scène qui s’annonce comme un duel à couteaux tirés, mais avant de sortir les armes il faut se préparer. Francis et Marie s’apprêtent chacun de leur côté, leur salle de bain se transformant en vestiaire d’une salle de boxe. Pour être le meilleur au moment d’enjamber les cordes du ring (ou de pousser les portes du restaurant où ils vont retrouver Nicolas), c’est Bang Bang que Dolan choisit, chanté par Dalida. “Bang bang, he shot me down / Bang Bang I hit the ground”, pour Marie comme pour Francis la chute sera difficile.
https://www.youtube.com/watch?v=E8TX7huaiU4
Les Amours Imaginaires
Marie et Francis, mais cette fois en soirée. Juste devant, Nicolas et sa mère sont en train de danser, et tout ce qui passe par la tête de Francis et Marie vient se superposer à la scène, laissant leurs fantasmes se projeter. Une bascule se fait et les notes de synthé de Pass This On s’impriment plus nettement, suivant le rythme des jeux de lumière qui éclairent le dancefloor de l’appartement pour créer une scène étourdissante.
https://www.youtube.com/watch?v=roLmFo3rWYc
Laurence Anyways
Pas de walk of shame pour Laurence ici, au contraire il s’affirme devant le regard de tous les élèves. Et pour ça il fallait un son qui donne de l’assurance. Si Laurence écoutait sa musique à ce moment-là, c’est Headman qui passerait dans son casque. Une entrée fracassante, un peu comme celle de Fred sur Fade to grey dans le même film. Plus qu’une bande-son pour le film, Dolan sait nous faire entendre la bande-son de ses personnages.
Laurence Anyways
L’electro impeccable de Moderat s’installe dans la scène et ne quitte plus ni les images ni nos esprits. Un son qui dévore la scène et résonne dans la tête du spectateur.
On ne change pas – Céline Dion
Mommy
Une cuisine, trois personnages et un CD du “trésor national” québécois. Point culminant du film, dans cette scène Dolan redonne habilement ses lettres de noblesse à Céline Dion. On ne change pas, Steve et sa mère ne changeront pas, mais toute la question posée par cette scène pour Dolan est de savoir s’ils seront acceptés comme ça.
Juste la fin du monde
Pourtant utilisé au début de la scène comme la musique de la chorégraphie d’aérobic de Suzanne et sa mère, le morceau cesse d’être le tube qu’on entendrait au détour d’un couloir de supermarché et se charge en émotions. Dolan ouvre une petite faille spatio-temporelle pour faire le pont entre le moment présent et les souvenirs heureux de l’enfance de Louis. Ou comment sublimer un tube de boys band.
Juste la fin du monde
Chez Dolan, les transitions entre les plans se font par la musique. Alors que Suzanne parle avec son frère qu’elle n’a pas vu depuis douze ans sur fond de rock, Louis est ailleurs, attiré par la pièce qui retient ses souvenirs d’adolescence. L’extrait musical est court, à l’image de la porte légèrement entrebâillée qui le renvoie à sa nostalgie. Genesis, de Grimes, démarre doucement et occupe l’espace de la porte entrouverte.
Home is where it hurts – Camille
Juste la fin du monde
Louis rentre chez lui, depuis le taxi les paysages et les visages défilent et il redécouvre l’endroit d’où il vient. Dolan choisit Home is where it hurts, de Camille, au titre assez transparent. La voix de Camille se déchire au moment du refrain, un peu comme le déchirement que Louis éprouve en sachant qu’il fait un voyage difficile et qu’il regarde un paysage familier pour la dernière fois.
Retrouvez les grands écarts musicaux de Xavier Dolan dans notre playlist :