Anna Calvi en interview : « Quand je monte sur scène, je n’ai pas d’autre choix que de tout donner. »
Anna Calvi à la Route du Rock 2014 (Crédits photo : Deezer France)
Anna Calvi a deux facettes : celle d’une chanteuse et guitariste sûre d’elle et charismatique, assurant riffs et chant puissant avec une aisance déroutante. Mais aussi, celle d’une artiste à la sensibilité exacerbée, encore peu à l’aise avec l’exercice de l’interview. Le calme avant la tempête. Elle s’est pourtant prêtée au jeu avec nous, quelques heures avant de monter sur la Scène des Remparts, lors de la 24e édition estivale de la Route du Rock. L’occasion de parler de son amour pour la scène, ses inspirations, et les discriminations envers les artistes femmes.
Comment te sens-tu à l’approche de ton concert de ce soir, à la Route du Rock ?
Je suis impatiente ! Surtout, de voir Portishead. Aller à un festival où il y a des artistes que j’ai envie d’écouter rend la chose beaucoup plus amusante.
Tu t’ennuies parfois en festival ?
Souvent, les festivals ne sont pas les meilleurs endroits pour que je puisse voir le genre de musique que j’aime. Portishead seront sûrement géniaux sur ce genre de scène.
Quel genre de musique aimes-tu ?
Le genre qui requiert de l’attention, de la concentration, pour l’apprécier. J’ai l’impression que l’intérêt des festivals est avant tout de s’amuser.
J’ai remarqué que je suis facilement distraite en festival, à cause de la foule assez bruyante. Est-ce que c’est quelque chose qui t’effraie, en tant qu’artiste ?
Je fais ce que je peux pour faire le meilleur show. Si les gens ont envie d’y prendre part, ça ne tient qu’à eux. Parfois, ça ne marche pas, mais c’est inhérent au fait de se produire en festival.
« Le rôle de la guitare dans ma musique est très important. » – Anna Calvi
J’ai d’ailleurs pu remarquer que quand tu montes sur scène et saisis ta guitare, la foule se tait. Que ressens-tu à ce moment-là ?
C’est un super sentiment. C’est un instrument très puissant, il peut en dire beaucoup. Le rôle de la guitare dans ma musique est très important.
Où trouves-tu cette intensité émotionnelle que tu as sur scène ?
C’est la seule manière dont je sais faire. Quand je monte sur scène, je n’ai pas d’autre choix que de tout donner. Cela ne peut s’avérer difficile que si le public est lui-même difficile. Mais ça n’arrive qu’occasionnellement.
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Récemment, beaucoup de chanteuses se sont plaintes publiquement du comportement des spectateurs à leur encontre, comme Iggy Azalea ou la chanteuse de CHVRCHES. Qu’est-ce que c’est quelque chose auquel tu as déjà été confrontée ?
Non, pas vraiment. Les seules fois où je peux me sentir discriminée en tant qu’artiste femme, c’est lorsque des journalistes pensent que la guitare est un instrument d’homme, ou me posent des questions sur d’autres chanteuses qui n’ont rien à voir avec ce que je fais, comme Miley Cyrus. La chose la plus étrange là-dedans, c’est qu’ils traitent les femmes comme si elles étaient une minorité, alors qu’elles représentent la moitié de l’humanité. C’est stupide.
« Les seules fois où je peux me sentir discriminée en tant qu’artiste femme, c’est lorsque des journalistes pensent que la guitare est un instrument d’homme, ou me posent des questions sur d’autres chanteuses qui n’ont rien à voir avec ce que je fais, comme Miley Cyrus. » – Anna Calvi
Revenons à la musique. Ton EP de reprises, Strange Weather, m’a beaucoup plu. J’ai l’impression que tu as travaillé à adoucir ta voix, non ?
Oui, ça a beaucoup à voir avec le fait de mûrir en tant qu’artiste. Quand on réalise qu’on peut chanter fort, on veut le faire tout le temps. Et au bout d’un moment, en expérimentant, on se rend compte que ce n’est pas la seule manière d’être dramatique. Je pense que ces chansons avaient besoin d’une voix plus douce, cela s’est fait sans que j’y réfléchisse vraiment. Je chercherai toujours à avoir une variété de techniques de chant, en tout cas.
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Est-ce que tu l’as enregistré parce qu’être en studio te manquait [son dernier album, One Breath, est sorti en 2013] ?
J’avais un mois de libre, en janvier. Beaucoup de mes amis étaient à New-York à ce moment-là, je me suis dit que c’était une bonne manière de passer le temps.
Tu as eu le temps d’écrire pour toi depuis ?
Oui, un peu. Mais je préfère le faire à la maison, quand j’ai plusieurs jours devant moi. J’ai besoin d’intimité et de concentration.
Ta musique est très hantée, on croirait parfois qu’elle est tirée de rêves ou de cauchemars. Es-tu le genre de personne qui peut être obsédée par quelque chose, et qui veut à tout prix en faire une chanson ?
Ca peut m’arriver, oui. Souvent, mes idées m’arrivent après des rêves, ou au moment de m’endormir. Faire de la musique est une manière de me recentrer et de m’apaiser. C’est un peu thérapeutique.
« Faire de la musique est une manière de me recentrer et de m’apaiser. » – Anna Calvi
Est-ce que tu as toujours voulu faire de la musique ton métier ?
J’ai toujours voulu travailler dans les arts. J’ai essayé différentes choses, et je me sens rendue compte que la musique était le domaine où j’étais le plus douée. Je fais encore du dessin à côté, pour m’amuser. Peut-être qu’un jour, je joindrai le dessin et la musique, qui sait.
D’ailleurs, ta page Facebook montre beaucoup de dessins que des fans ont fait de toi. Qu’est-ce que ça te fait, d’être dessinée par autant de gens ?
Je trouve ça magnifique. Tu fais quelque chose, et ça inspire les gens à en faire quelque chose à leur tour. Je me sens très honorée. D’autant que certains dessins sont vraiment beaux. Ca me surprend toujours, et c’est un peu bizarre, d’un côté, mais d’une manière positive.
Tu fais aussi beaucoup de shootings pour des magazines de mode. Est-ce que tu crains parfois d’être réduite à ton image ?
Non, pas du tout. Je pense que les gens comprennent d’eux-mêmes qu’il y a beaucoup plus à découvrir sur mon travail. Si tu parviens à t’exprimer d’une façon qui soit en accord avec ta musique, ça ne peut pas être réducteur. Mais, bien sûr, ce ne serait pas le cas si je posais seins nus à la page 3 d’un tabloïd [rires].
Tu as écris récemment une chanson avec Marianne Faithfull, « Falling Back ». Comment cette collaboration est-elle survenue ?
Nous avions le même producteur, et elle lui a dit qu’elle aimait beaucoup ma musique. Je suis allée la voir dans son appartement parisien. Elle avait déjà les paroles, j’ai ensuite écrit la musique autour d’elles. C’est l’une des choses dont je suis le plus fière, c’est une chanteuse si géniale, une vraie icône. Je me suis sentie très honorée. C’était une collaboration où j’ai pu beaucoup apprendre. On voit comment les gens approchent les choses différemment. J’ai été très impressionnée par son instinct, et son courage d’accepter pleinement ses émotions sans en être jamais embarrassée. Elle était très expressive, même si nous ne nous connaissions pas beaucoup. Je pense que c’est une expérience que je pourrais réessayer par la suite.
Où te réveilleras-tu demain ?
En Belgique, pour le festival Pukkelpop, où je joue demain soir.
(Ré)écoutez One Breath, le dernier album d’Anna Calvi :
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